Histoire de Saint Vincent Ferrier, frère dominicain missionnaire né Espagne à Valence, qui ré-évangilisa une partie de l’Europe, et plus particulièrement, la Bretagne sur demande du Duc de Bretagne Jean V et de son épouse, Jeanne de France.

 

L’invitation du Duc de Bretagne

 

Le Duc de Bretagne Jean V dû envoyer trois fois son messager, Jean Bernier avant que Frère Vincent accepte de venir en Bretagne re-christianiser le duché.

Le première fois, le messager Jean Bernier trouva Frère Vincent Ferrier au Puy-en-Velay. Bien que chargé de lettres pressantes dans lesquelles était exposée la triste connaissance de la religion chrétienne par le peuple breton, le Frère ne répondit pas à l’invitation du Duc.

Jean Bernier dû être mandaté une deuxième fois par le Duc pour que celui-ci transmette au Frère Vincent Ferrier une nouvelle invitation à re-christianiser le peuple breton. Cette nouvelle rencontre se passa à Bourges et n’a pas eu le succès escompté.

Ne se décourageant pas, le Duc de Bretagne insista. Il renvoya Jean Bernier au Frère Vincent. Enfin, la missive du Duc de Bretagne porta ses fruits, Frère Vincent accepta de venir en Bretagne.

 

Le voyage à destination de Vannes

 

Ce fut fait, deux mois plus tard, le 8 février 1418, date à laquelle Frère Vincent arriva à Nantes. Il y séjourna près de deux semaines. Puis, il reprit sa route pour se rendre à Vannes où résidait le Duc de Bretagne. En route, il prêche à Fégréac, La Roche-Bernard, Redon, Muzillac, Questembert. Le vendredi 4 mars 1418, il se trouve à Theix. Déjà, de nombreux vannetais, sous les ordres du seigneur Josso du Plessix, étaient partis le rejoindre à Theix.

 

La préparation à l’accueil du Frère Vincent Ferrier

 

Le Duc de Bretagne Jean V a fait tout pour recevoir dignement cette hôte illustre qu’il a eu tant eu de mal à convaincre. Il avait donné l’ordre de préparer le château de la Motte pour recevoir le frère et sa suite car, en effet, Frère Vincent ne voyageait pas seul. Une multitude de personnes l’accompagnait dans son périple. Il s’agissait d’autres frères dominicains mais aussi de simples séculiers, hommes ou femmes, parfois avec des enfants, qui souhaitaient continuer à recevoir cet enseignement et surtout, à le vivre.

Sachant pertinemment que la cathédrale de Vannes serait insuffisante pour accueillir tout le monde lors des prêches et des messes, Jean V avait fait construire une immense estrade sur la place des Lices, en face du Château de l’Hermine. Toute la ville était en liesse et se recouvrait de tentures multicolores.

 

L’accueil de Vannes au Frère Vincent Ferrier

Le lendemain, le samedi 5 mars 1418, un cortège se prépare sur la Place de la Cathédrale Saint Pierre. En premier, l’évêque de Vannes, Amaury de la Motte, et l’ensemble du clergé, puis vient le Duc de Bretagne et toute sa cour. En queue de cortège marche le peuple de la ville de Vannes. Tous ensemble, ils forment une procession qui se dirige, avec apparat, vers la chapelle de Saint-Laurent, lieu de rendez-vous fixé.

Arrivés, l’attente commence. Puis voici, Frère Vincent, vêtu de sa robe et de son manteau, tout usés, de frère-prêcheur, perché sur une vieille anesse et suivi de ses frères dominicains puis de deux colonnes de laïcs, une de femmes et une d’hommes, chantant l’un après l’autre des cantiques et un Miserere. Frère Vincent à l’air très fatigué, aussi usé que ses vêtements. Toutefois, son regard est vif.

Frère Vincent est salué, tout d’abord, par l’évêque. Puis s’avance le Duc de Bretagne. Celui-ci s’incline et remercie, avec effusion, Frère Vincent, d’avoir accepté son invitation à aider les bretons à se réapproprier l’enseignement du Christ.

Puis tous ensemble, en respectant l’ordre établi par le cortège de Frère Vincent, ils se dirigent vers la ville de Vannes, en reprenant les cantiques alternés, à voix d’hommes puis de femmes, et un Miserere.

A partir du pont-levis jusqu’à la cathédrale de Vannes, s’agglutine une foule bigarrée : Artisans, manœuvres, employés, ouvriers, servants, marins, bourgeois, pauvres et riches, malades, infirmes,  acclament Frère Vincent et le cortège. Telles des volées de flèches, des supplications ardentes jaillissent. Frère Vincent étend la main et les bénis. A ces bénédictions, certains se sentent guéris et manifestent, bruyamment, leur joie.

Arrivé à la cathédrale, péniblement, Frère Vincent descend de sa monture et s’avance, avec difficulté, accompagné de l’évêque et du clergé, vers le choeur de la cathédrale : le Tabernacle. Frère Vincent s’appuie sur un long bâton terminé par une croix. Derrière le clergé s’avance le Duc de Bretagne et sa cour. La cérémonie religieuse d’ouverture de la mission d’enseignement commence.

 

A l’issue de cette cérémonie, le Duc de Bretagne souhaitait emmener le Frère Vincent au Château de la Motte. Celui-ci refuse poliment l’invitation. Il demande à ce qu’on lui permette de prendre une simple chambre à proximité de la cathédrale et de l’endroit où il va faire ses prêches. Jean V et l’évêque s’entretiennent rapidement, les chanoines de la cathédrale sont appelés. Puis un serviteur est envoyé à Robin Lescary pour lui demander s’il est d’accord de prêter sa maison au Frère Vincent et à sa suite. Honoré de cette demande, Robin Lescary accepte aussitôt.

 

La prêche de Saint Vincent Ferrier

Le dimanche 6 mars 1418, nous sommes au 4ème dimanche de carême. Comme à son habitude, Frère Vincent est déjà debout à 2 heures de matin et commençait à réciter son psautier en totalité, puis alla se confesser à un des prêtres dominicains qui l’accompagnait. L’aube était déjà prête à poindre. Il était temps de se rendre à la Place des Lices où, déjà, l’attendait la foule. Accompagné de ses acolytes, il se rend, péniblement, à l’estrade préparée pour lui.

En le voyant arriver, la foule l’accueille avec une clameur qui ne fait que s’amplifier. Les frères dominicains l’aident à monter sur l’estrade. Frère Vincent est exténué par les privations qu’il s’impose. De plus, l’âge lui pèse et une blessure à la jambe le fait énormément souffrir.

 

Suite à la messe, la prêche commence. A fur et à mesure que celle-ci se déroule, Frère Vincent semble se rajeunir. La vigueur habite à nouveau ce corps fatigué. Ses joues s’empourprent et ses gestes semblent aussi vifs que son regard. Sa voix remplit l’espace. Malgré qu’il prêche dans sa langue natale, tout le monde le comprend. La foule vibre, tremble, geint sous les vérités qu’il délivre. Des femmes sanglotent. Des hommes se battent la coulpe. Tous ont le front courbé sous le poids de leurs pêchés et sous la crainte du Jugement Dernier. Est-ce que leur âme sera suffisamment courageuse pour accepter les conséquences de leurs actes et de leurs pensées ? sera t’elle suffisamment forte pour accepter l’Amour de Dieu ?

 

Pour terminer, il décrète que, dorénavant, les hommes et les femmes devront se rendre aux sermons en deux groupes distincts. Il ajoute que cette séparation s’imposera aussi lors des célébrations dans les églises. Puis, il fixe les horaires des exercices et ajoute que, jour et nuit, les prêtres dominicains entendront les confessions et qu’il se chargera lui-même de l’instruction religieuse, d’abord aux enfants, puis, aux adultes.

 

La vie d’ascète du Frère Vincent

Son prêche terminé, Frère Vincent regagne la maison de Robin Lescary pour prendre un peu de repos. Toutefois, il refusait toute nourriture avant le midi. Voici ce qu’à écrit Yves Gluidic, archiprêtre de l'église de Vannes : « Quatre ou cinq jours, j'ai mangé avec lui à sa table ; je l'ai vu manger un potage, puis des poissons d'une seule espèce, et en assez petite quantité. Il ne prenait de poisson que ceux qu'on lui avait présentés en premier lieu, et bien qu'on lui présentât plusieurs mets, il se contentait néanmoins d'un seul plat. Il buvait du vin trempé trois fois seulement par repas. Je ne l'ai jamais vu souper et je ne sais s'il soupait ou non,  mais il attendait toujours jusque l'après midi pour prendre son dîner. Le dîner fini, il faisait distribuer le reste aux pauvres... Pendant le dîner, Maître Vincent avait toujours le visage joyeux. Après avoir rendu grâce au Très-Haut, il cessait tout entretien et vaquait à l'étude »

 

L’instruction religieuse du Frère Vincent Ferrier

En début d’après midi, commençaient les instructions religieuses. S’enchaînait, l’apprentissage du catéchisme, des prières, l’explication de la liturgie et les enseignements. Il n’y avait plus de puissants, plus de riches, plus de pauvres. Tous étaient égaux devant le Jugement qui s’avançait. La responsabilité et les devoirs de chacun était fixés. Le Bien Commun était rétabli. Chacun devait se trouver responsable de son prochain, chacun devait aimer son prochain.

 

 

Les soirées du Frère Vincent Ferrier

Le soir tombé, Frère Vincent retourna à la maison de Robin Lescary. Il s’accorde alors un repas frugal. Puis Frère Vincent rentrait dans sa chambre et commençait à se donner la discipline pour faire comprendre à son corps qu’il n’était que poussière et que poussière il retournera. Enfin, il prenait le plus dur des matelas qu’il posait à même sur le plancher et se reposait. A deux heures du matin, il recommençait sa journée pour répondre à l’immense attente de ces contemporains.

 

 

La mission

Durant tout ce temps, la vie à Vannes et à ses alentours s’était comme arrêtée. Les boutiques était closes, le port était calme, les assemblées de l’État de Bretagne étaient repoussées, les différents tribunaux était fermés, les marchés étaient annulés.

Tout Vannes et ses environs ne s’occupaient que de leur salut. Et, il y avait du travail car, la vie religieuse en Bretagne était descendue si bas que les foires et les marchés publics se tenaient les dimanches et les jours sanctifiés, bien souvent, dans les lieux consacrés au culte.

L’enseignement ne cessait jamais. Durant les offices, un frère dominicain leur expliquait à haute voix le sens de la cérémonie liturgique. A tout moment du jour ou de la nuit, tout le monde pouvait se confesser. L’évêque et le Duc de Bretagne donnaient l’exemple.

Ni les intempéries du mois de mars, ni la neige, ni la pluie, ni la violence du vent ne pouvaient empêcher les vannetais et les fidèles des paroisses environnantes d’assister aux offices, aux prêches et aux enseignements. Désormais, les Bretons assistaient aux cultes avec piété. Frère Vincent leur avait appris comment tout chrétien devait entendre la messe.

La mission à Vannes dura jusqu’au mardi 29 mars 1418. Frère Vincent fit sa dernière prêche. Celle-ci mettait en garde les vannetais sur l’Antéchrist.

 

 

L'évangélisation de la Bretagne

Frère Vincent Ferrier quitta Vannes et commença sa mission dans le duché de Bretagne. Le 30 mars 1418, il est de retour à Theix. Le 31 au soir, il se rendit à l'abbaye de Prières, près de Muzillac. Il arriva à Guérande le 8 avril où il prêcha à travers la presqu'île. Le 14 avril 1418, le peuple le trouve à Saint-Gildas-des-Bois, où après avoir parlé de la persévérance dans les bonnes oeuvres, il guérit une démoniaque qu'on avait amenée,  solidement garrottée, à l'église paroissiale.

Il remonte alors vers Rennes qui lui fait une réception triomphale. Du 20 au 22 avril, il prêche sur la Place Sainte-Anne devant une foule énorme. Toutes les maisons ouvrirent leurs fenêtres aux auditeurs impatients. Elles virent jusqu'à leurs toits se couvrir des plus impatients. Il eut là jusqu'à 30.000 fidèles assidus à ne rien perdre de ses terribles prêches qui sonnaient comme des avertissements.

Pendant une dizaine de jours, il parcourut les environs. Fougères, Vitré, Montfort l'ont reçu. Puis, le 2 mai 1418, il revint à Rennes.

Le 4 mai 1418 au soir, répondant à une invitation que lui avait adressée le roi d'Angleterre. Il part pour la Normandie. Comme à son habitude, il s’en va, par petites étapes, toujours monté sur sa vieille ânesse et suivi de ses frères dominicains puis de deux colonnes de laïcs, une de femmes et une d’hommes, chantant l’un après l’autre des cantiques et un Miserere.

Au cours de son chemin, il enseigne Aubigné, Bazouges, Antrain.

Enfin, vers la mi-mai, à Caen, le Roi d’Angleterre, Henri V, le reçoit entouré de toute sa cour. Comme son plus vif souci, partout où il passait, était de rétablir la paix et la concorde, Frère Vincent usa, sans succès, de ses dons de diplomate pour mettre fin à la guerre de Cent Ans qui désolait la France.

 

Dans les premiers jours du mois de juin, saint Vincent rentre en Bretagne par Dol. Il bifurque vers Saint-Malo. Et, vers les derniers jours du mois de juin, Jean V, Duc de Bretagne, et l’évêque de Saint-Malo, Robert de la Motte, le reçoivent à Dinan.

Frère Vincent y fait un assez long séjour, et sa prédication engendre un véritable enthousiasme. Il logeait, avec sa suite, au couvent des Dominicains. Là encore, la municipalité, se chargea de lui fournir tout ce qui lui était nécessaire durant tout le temps qu'il passa dans cette ville. La vaste place du champ aux chevaux était à peine suffisante pour contenir la foule qui se pressait au pied de sa chaire.

De Dinan, Frère Vincent se rend par Lamballe, Jugon, Moncontour, puis à Saint-Brieuc où il arrive fin juillet 1418. Puis, Frère Vincent poursuit sa mission par la côte nord de Bretagne. Quintin, Châtelaudren, Guingamp, la Roche-Derrien le reçurent. Il est certain qu'il visita Tréguier, Lannion, Morlaix, Saint-Pol de Léon. Lesneven conserva longtemps dans un reliquaire d'argent « la calotte de Monsieur saint Vincent Ferrier ».

Parmi les laïcs accompagnant le Frère Vincent se trouvait sûrement des maçons. Tout porte à croire qu’ils aidèrent à terminer l’église du Folgoat qui fut consacrée, quelques mois plus tard, en 1419.

Puis Frère Vincent se dirigea vers Quimper où, selon Monseigneur de Lézeleuc, ces mêmes maçons aidèrent aussi à achever les tours de la cathédrale.

De Quimper, il se dirigea vers l’est en passant par Concarneau, Quimperlé, Hennebont, puis remonta vers l'intérieur des terres de Bretagne et évangélisa Guémené, Pontivy, la Chèze, la Trinité-Porhoët, Josselin, Ploërmel. Il alla une seconde fois à Redon puis descendit, de nouveau, dans le pays de Nantes. Il entra à nouveau dans la ville et prêcha au milieu de Saint-Nicolas. Selon les récits, près de 70000 personnes suivirent ses prêches à Nantes. Puis, Frère Vincent dont la fatigue n’avait fait que s’accentuer à fur et à mesure que sa santé s’étiolait, se dirigea, à nouveau vers Vannes où le Duc de Bretagne voulait le remercier des bons soins religieux qu’il avait prodigué à la Bretagne. Toutefois, les frères dominicains espagnols qui l’accompagnait voyait bien que l’état de santé de Frère Vincent se dégradait. Ils essayèrent, sans succès, de le convaincre de rentrer à Valence.

 

Le second séjour à Vannes

Suite à son périple en Bretagne qui s’est achevé par de nouveaux prêches à Nantes, très fatigué et en très mauvaise santé, Frère Vincent retourna à Vannes où l’attendait le Duc de Bretagne qui comptait bien le remercier des bons soins aux âmes qu’il avait accordé aux bretons.

Sa seconde entrée à Vannes fut organisée dans la même façon que la première à un détail près. La Duchesse de Bretagne, Jeanne de France, offrit sa litière au Frère Vincent. Durant tout le parcours, les colonnes d’hommes et de femmes chantaient des cantiques alternés, à voix d’hommes puis de femmes, et un Miserere. La même foule l’attendait, mendiant des bénédictions. Les mêmes cris de joie s’élevaient lorsque des malades se sentaient revivre.

Arrivé à Vannes, conformément à ces habitudes, il choisit une simple maison rue des Orfèvres pour lui-même et les dominicains qui l’accompagnaient.

Toutefois, la Duchesse de Bretagne, Jeanne de France, veillait. Elle finit par obtenir qu’il déménaga dans la maison de la veuve Catherine Dreulin, de son nom de jeune fille Le Brun. En effet, son état de santé nécessitait des soins. Ce fut un malade difficile à faire garder le lit. Malgré, son piteux état, Frère Vincent reprit ses prédications. Il était pratiquement porté pour rejoindre l’estrade toujours installée Place des Lices. Étonnement, une fois installé, comme la première fois, il retrouvait, tout sa vigueur et sa verve.

Constatant que l’état de Frère Vincent avait plutôt tendance, encore, à se dégrader, Jeanne de France, encouragée par son premier succès, le supplia de prendre quelque jours de repos. Selon la tradition, Frère Vincent et les frères dominicains espagnols qui l’accompagnait allèrent se reposer à Arradon. Ces derniers voyaient bien que le dénouement était proche pour le Frère Vincent et ils n’acceptaient pas de laisser à une terre étrangère le soin de recueillir celui qui avait fait la gloire de sa patrie.

Ainsi, comme dernièrement à Nantes, ils renouvelèrent au Frère Vincent, mais avec beaucoup plus d’insistance, leurs prières pour rentrer en Espagne à Valence. Frère Vincent finit par acquiescer leur demande. Déjà une embarcation attendait Frère Vincent et ses frères dominicains espagnols dans le port d’Arradon. En effet, tout avait été préparé dans le plus grand secret.

Toutefois, Frère Vincent, prit le temps de retourner à Vannes pour remercier le Duc de Bretagne et Jeanne de France ainsi que toute la cour de l’accueil qui lui a été fait par les bretons. Puis à la nuit tombée, il partit pour Arradon rejoindre le bateau qui l’attendait. En effet, il savait bien que les bretons, en bons marins, se seraient opposés à son départ avant qu’il ait retrouvé une santé. Et ils avaient raison car, en pleine mer, l’état du Frère Vincent se dégrada brusquement. Le bateau fut obligé de rejoindre le port d’Arradon.

 

La mort de Frère Vincent

Le 25 mars 1419, Frère Vincent fut saisi d’une fièvre violente. Il s’alita. La Duchesse de Bretagne réussit à lui faire accepter un matelas et fit venir ses médecins. Il accepta, avec beaucoup de résistance de quitter son cilice. Quant à son régime alimentaire, il refusa catégoriquement de le changer. Cela n’étant pas raisonnable, mais pour ne pas le contredire, on lui a fait croire que les plats qu’on lui servait était fait de chair de poisson.

Le Duc de Bretagne, l’évêque de Vannes, les membres de la cour et du clergé se succédaient auprès de son lit. Tous avaient beaucoup de chagrin. Frère Vincent leur fit ses adieux : « Messieurs les Bretons, dit-il, si vous voulez vous rappeler dans votre mémoire tout ce que je vous ai prêché pendant deux ans, vous trouverez qu'il n'est pas moins utile pour votre salut que conforme à la vérité. Vous n'ignorez pas à quels vices votre province était sujette, et que de mon côté je n'ai rien épargné pour vous ramener dans le bon chemin. Rendez grâce à Dieu avec moi, de ce qu'après m'avoir donné le talent de la parole, il a rendu vos coeurs capables d'être touchés et portés au bien. Il ne vous reste plus qu'à persévérer dans la pratique des vertus, et à ne pas oublier ce que vous avez appris de moi. Pour ce qui me regarde, puisqu'il plaît à Dieu que je trouve ici la fin de mes travaux, je serai votre avocat devant le tribunal de Dieu ; je ne cesserai jamais d'implorer sa miséricorde pour vous, et je vous le promets, pourvu que vous ne vous écartiez pas de ce que je vous ai enseigné. Adieu je m'en irai devant le Seigneur dans dix jours d'ici ».

Dès lors, Frère Vincent ne songea plus qu'à se préparer à la mort. Il fit appeler le curé de la cathédrale Saint-Pierre, Jean Collet, qui était son confesseur. Il reçut l'absolution puis le prêtre lui donna le saint viatique. Frère Vincent confia à l’évêque de Vannes et au Duc de Bretagne le soin de choisir eux-mêmes le lieu de sa sépulture. Sage précaution, car le bruit courait qu'on se disputerait l'honneur de garder sa dépouille glorieuse. L'évêque décida qu'il serait enterré dans la cathédrale. Il ordonna à Guillaume Roberti de creuser la tombe entre le choeur et le maître-autel du côté nord, en face du siège de l’évêque.

 

Le 6 avril 1419, sentant l'agonie prochaine, Frère Vincent réunit ses frères dominicains qui l’avaient accompagné durant ses nombreux voyages. Il leur confia ses dernières recommandations puis il se fit lire la Passion du Sauveur. Il récita lui-même les psaumes de la pénitence, puis il perdit l'usage de la parole. En toute hâte, le curé de la cathédrale lui administra l'extrême onction. Le recteur de Sainte-Marie du Mené, Yves Simon, Pierre Helyas et de l'archiprêtre Yves Gluidic étaient présents en habit de coeur, La Duchesse de Bretagne était aussi présente, pieusement agenouillée, en compagnie de ses dames d'honneur.

 

La mise au tombeau du Frère Vincent

Dès que la mort de Frère Vincent fut certaine, l’évêque de Vannes pria le Duc de Bretagne de faire garder la maison par des gens en armes et passa commande d’un cercueil à Jean Lavazi, charpentier de la paroisse de Saint-Salomon. Lors de la levée du corps étaient présent l’évêque de Vannes et l’évêque de Saint-Malo ainsi que beaucoup de membres du clergé.

Une délégation des frères dominicains espagnols qui accompagnait Frère Vincent depuis Valence se présenta pour revendiquer le droit d’emporter avec eux la dépouille mortelle de leur frère. Cette demande, avançaient-ils, était celle de l’Ordre des Frères Dominicains. Devant le refus des frères espagnols a entendre raison, les chanoines de la cathédrale, fort de la volonté clairement manifestée de Frère Vincent et de l’assentiment de l’évêque de Vannes et du Duc de Bretagne, firent avancer les gens en armes. Il s’ensuivit une mêlée dans laquelle plusieurs religieux furent blessés. Le corps, enlevé de force par le clergé de Vannes, fut porté jusqu’à la cathédrale.

Le lendemain, vendredi 7 avril, les funérailles eurent lieu en grande solennité dans la cathédrale de Vannes. Une foule énorme, en pleurs, se pressait dans l’édifice et hors de l’édifice.

L’inhumation eu lieu à quatre heures du soir. Des prêtres se chargèrent de descendre eux-mêmes le corps de Frère Vincent dans sa dernière demeure. Puis, des artisans scellèrent de grosses barres de fer au-dessus du cercueil. Pour finir, des maçons placèrent d’énormes pierres sur celles-ci et, enfin, ils placèrent la pierre tombale.

La foule défila alors devant la sépulture. Comme lors de prêches du Frère Vincent, nobles, artisans, manœuvres, employés, ouvriers, servants, marins, bourgeois, pauvres et riches, malades, infirmes pleuraient et gémissaient la perte du berger de leur âme mais , aussi, louaient le Frère qui les avait tant aidés à retrouver le bon chemin de la Vie Éternelle.

 

La canonisation du Frère Vincent

Suite à l’inhumation de Frère Vincent Ferrier, les foules continuaient à venir le prier pour obtenir son intercession. Les pèlerins venaient de toute la Bretagne. Ils affirmaient leur attachement à l’enseignement du frère dominicain. A leurs prières, le Frère Vincent répondit par une abondance de miracles. Les archives du chapitre de Vannes en conservent les détails. En remerciement à ceux-ci, des offrandes étaient déposées sur la pierre tombale. C’est ainsi que l’évêque de Vannes dut prendre une ordonnance réglant la répartition de ces dons de toute nature et qui permit de restaurer et d’agrandir la cathédrale de Vannes.

Chaque dimanche, les miracles étaient publiés à la cathédrale et la liste ne faisait que s’allonger. Trente quatre ans plus tard, une enquête fut ordonnée par Rome pour les authentifier. Les commissaires ne purent en recueillir qu'une faible partie. Trois cent treize témoins vinrent déposer sous la foi du serment. Et après quelques semaines, les commissaires écrivirent aux cardinaux nommés par le pape : « Nous avons reçu et interrogé tant de témoins, ils nous ont énuméré tant et de si grands miracles opérés par l'homme de Dieu, comme en font foi les dépositions ci-jointes, que nous jugeons superflu d'en interroger davantage, et bien que chaque jour encore, des prodiges sans nombre s'accomplissent au saint tombeau, nous closons là notre enquête... ».

Ainsi, le 29 juin 1455, le Pape Calixte III, ancien évêque de Valence, promulgua la canonisation du Frère Vincent. Dorénavant, le peuple de Dieu pouvait l'appeler Saint Vincent Ferrier.

Les Ducs de Bretagne avaient fait le nécessaire pour faire avancer la cause du nouveau Saint. Aussi les Bretons étaient-ils en bonne place pour la fête de la promulgation de Rome. Les Etats de Vannes mentionnent que « à la canonisation de Saint Vincent, les Bretons mirent les bannières de Bretagne couronnées d’autant plus que le Pape avait écrit au Duc de Bretagne François II « Il serait injuste de ne pas louer le zèle et l'infatigable diligence qu'ont apporté à cette affaire vos envoyés. Nous avons tenu à les recevoir avec tout l'honneur possible... ».

 

La bataille des reliques de Saint Vincent Ferrier

Toutefois, les reliques de Saint Vincent Ferrier continuaient à être revendiquées par les Frères Dominicains espagnols et cela, malgré les ordonnances du Duc de Bretagne confirmées par une bulle du Pape Nicolas V. Malgré cette reconnaissance du Pape, en 1458, ils adressèrent au Pape Pie II une requête longuement motivée. Mais les délégués du Duc de Bretagne purent déjouer leur stratagème et le chapitre de la cathédrale de Vannes vit établir définitivement son droit de conserver ces reliques.

Cette porte fermée, les Dominicains essayèrent d’en trouver une autre. Ainsi, pendant les Guerres de la Ligue, des espagnols venus combattre pour la cause catholique sous les ordres du Duc de Mercoeur, demandèrent, en 1592, à ce dernier, en remerciement de leur services, la translation des reliques du Saint Vincent Ferrier. Le Duc de Mercoeur trouva cette offre très intéressante d’autant plus qu’elle ne lui coûtait rien. Malheureusement pour lui, l’évêque de Vannes ne l’entendait pas ainsi et, bien sûr, refusa ce « marché ».

Mécontent, les espagnols essayèrent d’agir par ruse en profitant du désordre d’une fête. Encore une fois leur stratagème fut éventé. En effet, un chanoine eut le temps de cacher les reliques de Saint Vincent et cela, jusqu’après le départ des Espagnols.

 

Les reliques de Saint Vincent Ferrier aujourd’hui

Le 24 avril 1816, Monseigneur Bausset-Roquefort souhaita réaliser un inventaire officiel des reliques restantes de Saint Vincent Ferrier. L’Église a pu constater que la très grande partie des reliques de saint Vincent se trouve répartie en trois reliquaires : l'un en forme de châsse, l'autre dans le buste du Saint, le troisième étant un petit coffret d'argent. Seules quelques petites reliques manquaient à l’inventaire. Ainsi, le Chapitre de la cathédrale de Vannes avait fait preuve, au cours des siècles, d’une intransigeance dans la sauvegarde de ces saintes reliques,

 

La tapisserie Saint Vincent Ferrier

Le don de cette tapisserie par l’évêque de Vannes, Monseigneur Jacques Martin de Bellassise, évêque de Vannes durant la période du 1600 à 1622 avait pour objectif de raviver le culte à Saint Vincent Ferrier en faisant connaître sa vie et ses miracles. Cette tapisserie, ou plus précisément, ces deux tapisseries ont été brodées en 1615.Ces tapisseries furent exposées dans la chapelle de Saint Vincent Ferrier jusqu’en 1860 puis retirées en raison de leur très mauvais état. Pour le 600ème anniversaire de la mort de Saint Vincent Ferrier, ces tapisseries ont été restaurées et réinstallées en 2018 dans la cathédrale de Vannes.